lundi 23 mai 2011

Le cas de Tristane Banon. Iphigénie et la Raison d'état.



Tristane et Nafissatou, deux femmes dans la tourmente. Iphigénie et la Raison d'état. lien

 

Contrairement à ce qu'on lit parfois, Tristane Banon et sa mère ne sont pas incohérentes ou plus exactement leurs "variations" (portera -portera pas plainte) semblent plutôt de bon augure : nulle stratégie ici mais une situation presque sans issue. D'un côté il y a la culpabilité de ne rien avoir fait de concret lors de la première affaire concernant la jeune fille, qui a permis à M Touit de peut-être réitérer plus hard... et les voilà à présent avec une sorte d'obligation morale de réagir lors de cet autre cas... (mais aux States !) qui ressemble en pire au premier : ceux en France qui n'avaient pas bronché lorsque Tristane avait parlé car elle l'avait fait, soft, les grand médias politiques et même people se sont à présent engouffrés dans le créneau, avec le procureur américain qui évidemment ne va pas la lâcher... D'un autre côté, si elle porte plainte maintenant, elle aura l'air de "céder", et de participer à une curée d'autant plus sordide si d'AUTRES politiques et non des moindres savaient aussi et vont se trouver injustement éclaboussés (c'est pourquoi ils le nient à présent, un bel embrouillamini*). Reste que l'homme est à terre : lui porter l'estocade sonne inélégant (même si Tristane avait prévu de toutes manières de faire appel à la justice, quel gâchis!) Dans tous les sens que l'on prenne le dilemme, elle sera en faute. N'oublions pas qu'elle fait partie à un moindre niveau du sérail : la solidarité politique, toujours, primordiale... voilà ce que cela donne peut-être quelques années après. Et ça, ce n'était pas prévu. Une statistique connue : lorsqu'ils ne sont pas punis (ou lorsqu'il n'y a même pas signalement) les délinquants, s'ils réitèrent, ont toujours tendance à faire plus fort.

Ne rien faire, c'est se désolidariser de Nafissatou (qui est tout simplement accusée dans le dernier commentaire que je viens de lire à un article mien... de prostitution, toute l'affaire, selon un perspicace de service, se résumant à un simple différend au sujet des tarifs, ça c'est fort) et Tristane elle aussi sera/est à coup sûr harcelée par les avocatissimes de Touit, de grand spécialistes avec cabinets de détectives et budget hollywoodien.. Mais porter plainte MAINTENANT pour se reconstruire, ça tombe en effet... disons à la fois trop bien donc trop mal. Peut-être ne se sent-elle pas épaules, c'est sa "famille", et pas n'importe laquelle. Une victime, par définition, est fragilisée ce qui explique hésitations, volte-faces, parfois déroutantes, qu'on lui reproche à tort : c'est son dol même qui obère sa force morale et pour porter le cas en place publique, il en faut, de l'énergie : si l'on n'est pas cru, moqué, accusé en retour, c'est presque aussi dur que le viol ou l'agression en eux-mêmes car c'est toute la société que l'on a à dos et non un seulement. Celui qui a montré de quoi il était capable fait peur : poussé dans ses retranchements, il va bombarder tout azimut lui ou ses séides. Ca commence déjà : on l'a accusée (dans un commentaire, encore sur "le post") d'être trop jolie, trop décolletée et souriante, allumeuse en somme** (!) de vouloir se faire un nom avec ce drame (alors que le talent littéraire compte peu en ces cas, un tel événement obérant tout.) Eût-elle été laide qu'on l'eût accusée de mythomanie ou pire (et malgré tout, ça a aussi été fait, sur "le post" toujours, mais l'article a disparu juste au moment où je m'apprêtais à envoyer un commentaire rageur.) Ca reviendra c'est sûr.

Un grand classique que l'on pensait définitivement aboli, on se croirait revenu vingt ans en arrière, époque où on filait (non défilait, je laisse) avec "non, ça ne veut pas dire oui": c'est l'agressée ou la violée qui est responsable belle ou moche, riche ou pauvre.. et le doleur ou violeur qui a fait "un écart" compréhensible, voyons voyons vous n'allez pas en faire une maladie, il n'y a pas mort d'homme à la fin. D'homme non, de femme, pas si sûr, le suicide étant un des risques majeurs après un viol. Cette affaire montre aussi qu'une femme violée ou malmenée sexuellement PAR UN PROCHE (en le cas, l'ex mari de sa marraine) est souvent et quelque soit le milieu social, aussi voire plus mal lotie encore qu'une agressée par un "étranger". C'est un inceste symbolique : tout son univers s'écroule. Nafissatou est soutenue par sa communauté qui fait bloc, Tristane Banon embarrasse tout le monde, tout son monde. Le monde politique est d'une incroyable férocité y compris envers les siens, et d'un pragmatisme pugnace inégalé. Combien d'Iphigénies sacrifiées par les "leurs" dans l'indifférence générale? (Voir la manière dont de Villiers (lien), lors de la plainte pour viol d'un de ses fils contre un autre a taclé la victime, suivi par Madame, et non le coupable: qu'elle soit homme ou femme (mais surtout femme), du sérail ou étranger (mais surtout du sérail), qu'importe, c'est toujours la victime qui dérange car en parlant elle dévoile des silences, des lâchetés, des complicités par indifférence qui parfois éclaboussent l'ensemble, tandis que le coupable, lui, en général, se porte bien (et souvent fait peur). Et surtout, il est moins dirimant socialement d'avouer avoir un fils -ou une fille- malade psychique, mytho etc.. qu'un fils -ou un mari- violeur incestueux : dans un cas ça passe -c'est à dire qu'on peut encore gagner des élections- mais dans l'autre, ce n'est même plus la peine de se présenter (lien).

Il n'en demeure pas moins que, même si c'est maintenant, même si les critiques seront dures et le malaise indéniable, il faut néanmoins que Tristane Banon porte plainte : parce que c'est la loi, pour elle-même, pour retrouver quelque chose qui lui a été enlevé et que visiblement on lui enlève encore tous les jours un peu plus, pour d'autres femmes aussi peut-être, moins favorisées qu'elle : une question.. le mot est fort mais c'est le seul qui vienne à l'esprit, d'honneur. Le célèbre adage "je préfère ma mère (fille, cousine) à la justice" forge l'airain du bouclier qui permet à des agresseurs puissants d'agir impunément (et souvent crescendo) : des sœurs, filles, mères, il en ont pléthore, tout prêts à sacrifier Iphigénie à la Raison d'état, à leur tranquillité, confort ou ambition. Parfois même dans la propre famille de la victime (ici ce n'est pas le cas). L'erreur de Tristane (s'être tue devant la police) est rattrapable, en partie. Il faut donc qu'elle le fasse. Et l'aider.

* Un embrouillamini car il semble à présent évident que tout le marigot politique PS a "tweeté" (avant l'heure) l'affaire: si "x" le savait et a même tenté d'aider la jeune fille, "y" le savait forcément aussi etc... un secret de famille en fait connu de tous (ça s'appelle donc une conspiration du silence), c'est cela qui pèse à présent sur cette caste, aussi fermée que la famille de Villiers (mais d'eux on s'y attendait)... et, paradoxe, ceux qui ont ouvertement "refusé de savoir" s'en tirent ici plutôt mieux (autre injustice) que ceux qui ont payé de leur personne par amitié (ça existe aussi!) Un gâchis. C'est Marine pour le coup qui... passons, ça tombe mal en effet. Mais, question de fond : si une caste politique se révèle si ... [je n'ai pas le mot, mais le "si" est de trop car le fait est] peut-elle diriger un pays? Une vraie question qui cette fois inclue tous les messieurs et dames porte-close. Le peuple dont je suis n'aime pas qu'on se ligue contre lui par omerta interposée (si complot il y a, il est d'abord ici, issu de ceux qui ont protégé un agresseur)... le peuple donc a horreur que ceux qui font des lois ne se les appliquent pas à eux-mêmes en premier et forcément ça fait penser : s'ils agissent ainsi pour un événement aussi grave, quels sont encore les squelettes dans le placard que l'on va découvrir ? Un parti de gauche, du féminisme, de l'égalité etc... mené par un/des richissimes? soit, à la rigueur, nobody is perfect... Mais par un d'entre eux qui [...], ça fait désordre.. bon mais pas de panique c'est un seul cas et peut-être que... Sauf que tout compte fait, il y a une autre affaire sur lui. Qui l'eût cru? Sauf que les émissions mondaines que je ne regarde pas l'avaient déjà dénoncé il y a lurette et que ça avait fait plouf. Je rêve?... Sauf que tout le monde le savait dans le cercle. Ambiance. 

C'est comme ça, c'est connu par les médias qui la bouclent. Et le Canard enchaîné, il fait quoi? [En fait, il ne se soucie pas de "ça", c'est même clairement avoué, c'est trop "bas", il me souvient soudain d'un bref accrochage sur un sujet proche avec une pointure, passons.]

Un cauchemar? Un scénar de la droite pour plomber la gauche... ? Non car il y a le finale : le soutien ardent de Touit par toute la cour de récré.. visiblement habituée à [...] et qui ne s'émeut pas (donc c'est vrai!) Merci, Bernard H, de nous avoir éclairés avec cet incroyable article (vous les ploucs taisez-vous, vous ne savez pas ce que vous faites, laissez les "grands" tranquilles à la fin non mais! je me fâche.) Et là non, ça ne passe plus. C'est disons, la goutte d'eau, pardon à Tristane. Tant va la cruche... etc (je parle pour moi évidemment.) Ca plus d'autres affaires minimes (lien), je ne voterais plus systématiquement à gauche sans y regarder de très près.

** Un détail apparemment ignoré par les messieurs-post-unique-dénonçant-tristane, qui n'a rien à voir directement mais je le signale tout de même : les victimes d'agression sexuelle dans l'enfance ont parfois tendance, même très jeunes à adopter des comportements sexuels trop matures  déroutants, c'est du reste à cela qu'on les détecte. Car les viols ou les agressions, surtout s'ils se sont déroulés dans un cadre "familial" relativement "soft" (gratification, gentillesse apparente) leur ont conféré un précoce savoir sexuel dont il n'ont pas conscience de l'anomalie. Ce qu'ils ont dû subir/accomplir est parfois perçu comme un jeu normal et on pointe souvent une quasi solidarité (et de l'amour) entre victime et doleur, la plupart du temps à sens unique, la première n'osant pas taper trop fort sur le second, minimisant ou détournant la vérité, par exemple accusant un autre proche mais pas le vrai agresseur surtout si c'est le père (c'est le syndrome de Stockholm, presqu'inévitable dans les cas d'agression intra familiale)... et le second se servant de sa longanimité pour clamer qu'il n'a fait aucun mal voire s'est contenté de répondre à ses sollicitations (!) y compris s'il s'agit d'un très jeune enfant. Rappelons aussi que la majorité des prostituées ont été agressées sexuellement dans leur enfance, souvent par le père ou son succédané (beau-père, frère aîné, oncle, cousin plus âgé, voisin "qui fait partie de la famille", précepteur etc.)

Un autre détail aussi : en cas d'agression sexuelle, (il en va peut-être différemment en cas de viol mais ce n'est pas sûr) le débriefage est absolument essentiel. J'ai été agressée sexuellement deux fois, la première dans l'enfance (3-4 ans) mais immédiatement prise en charge par une personne de mon entourage qui m'a aussitôt débriéfée exactement comme il fallait, sans dramatiser, me plaindre, se lamenter, hurler, me palper partout pour voir jusqu'où "il" était allé mais en me questionnant, m'écoutant et m'expliquant (elle avait aussi appelé les gendarmes pour arrêter le gus) et je n'ai eu eu aucune séquelle, je l'ai même presqu'oublié, mais pas ses recommandations, ne jamais accepter que quelqu'un même poliment te demande de.. et te touche là.. etc... (En y réfléchissant, un seul fait tend l'infirmer mais il est minime: je n'ai jamais eu d'ami qui ait les caractéristiques physiques -très spéciales mais nullement dirimantes- du type.) Et une seconde à 16 ans (pire en un sens car je connaissais l'agresseur, moindre dans l'autre car il n'y eut pas tentative de pénétration) mais non débriefée ou très mal et celle-là fut quasi indélébile. C'est exactement comme si c'était hier. La première il faut dire était le fait d'un étranger, pas la seconde. Pour Nafissatou, dont le cas s'il est avéré est infiniment pire, espérons que cela a été bien fait.

Hélène Larrivé ("Secret de famille".. Prémonitoire? En un sens, oui.)

 


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